Qu’en est-il de l’inclusion scolaire des enfants TSA ?

Vidéo Inclusion scolaire et TSA

Ces deux dernières décennies ont été bousculées par des mesures, des réformes et des lois pour l’inclusion des élèves en situation de handicap. Dans le cas de l’autisme, il semblerait que les campagnes de sensibilisations aient bénéficié de plus de visibilité et que les troubles du spectre autistique aient reçu une attention médiatique et culturelle plus juste et bienveillante qu’auparavant. Qu’en est-il de la scolarité des enfants autistes ?

 L’autisme en France

L’évolution des critères de diagnostic associée à la sensibilisation peuvent expliquer la croissance du nombre de diagnostics des dernières décennies. En 2017, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) comptait environ 700 000 personnes ayant un trouble du spectre autistique (TSA) en France, et, selon eux, l’autisme concernerait environ 1 naissance sur 100.

 Le témoignage d’une enseignante du second degré

Florence est enseignante depuis 25 ans, elle a d’abord exercé en tant que professeur des écoles pendant 15 ans, dont plusieurs années en tant que directrice d’école, et elle enseigne depuis 10 ans le français et l’histoire-géographie dans un lycée professionnel d’Occitanie. Florence a plus d’un tour dans son sac, elle est aussi la mère du premier enfant autiste ayant été scolarisé en collège ordinaire sur l’Académie d’Orléans-Tours en 2004. Nous sommes allés à sa rencontre afin qu’elle nous parle de son expérience.

« J’ai eu la chance d’avoir un fils autiste qui m’a procuré une certaine ouverture d’esprit et de pratique que je n’aurais sûrement pas eu sans cela. »

Lorsqu’on lui parle de l’inclusion des élèves autistes, elle a beaucoup de choses à nous dire en tant qu’enseignante mais aussi en tant que parent. La première qu’elle nous a partagé, c’est que c’est à l’école de s’adapter aux besoins spécifiques de l’élève et non l’inverse, car ça n’est tout simplement pas possible pour lui. Elle ajoute que, finalement, c’est exactement le principe de ce qu’on appelle aujourd’hui l’école inclusive : « Évidemment, ce n’est pas si évident que ça, et donc ça montre aussi les limites du système ».

L’inclusion en maternelle et en école primaire

D’après son expérience, il est plus facile d’adapter le cadre scolaire en école maternelle et primaire puisque l’enfant est toujours dans la même salle de classe, avec un même enseignant et les mêmes camarades. Tous ces éléments rendent le cadre de base plus rassurant pour l’élève autiste, et cela donne davantage de possibilités de mettre en place les rituels dont il a besoin. Florence ajoute que tout ce qu’on regroupe sous le terme « d’inclusion scolaire » s’inspire certainement des pratiques du premier degré, notamment parce que c’était surtout lui qui était concerné au début.

De nombreuses difficultés rencontrées au sein du système scolaire :

1. Les changements

D’après l’enseignante, la transition vers le secondaire (collège-lycée) peut être extrêmement violente pour les élèves autistes, qui se trouvent confrontés à des changements en permanence. Les changements de salle, de professeur, de camarades sont nombreux au cours de la journée, et tout cela multiplie aussi les demandes d’adaptation, « en sachant que tous les professeurs ne sont pas forcément en capacité d’adapter le cours comme il faudrait, que ce soit par méconnaissance, par peur ou encore par feignantise, il faut être honnête ».

Les élèves reconnus en situation de handicap et ayant besoin d’aménagements et de compensations peuvent bénéficier d’un PPS (Projet Personnalité de Scolarisation) qui les accompagnera tout au long de leur scolarité, de leurs 3 ans à leurs 20 ans. Ce PPS contient des préconisations qui sont difficiles à mettre en place lorsqu’une même équipe pédagogique comprend autant de pratiques et d’ambiances de classe différentes que d’enseignants. L’élève autiste doit s’adapter à chaque fois à la façon de fonctionner de chaque cours, de chaque professeur et de chaque salle, et cela met en péril son bien-être et son inclusion. « Ça passe par des choses toutes simples comme les codes couleurs : un enseignant voudra que le titre soit écrit en rouge tandis qu’un autre le voudra souligné en bleu, par exemple. Ce sont des choses qui perturbent l’élève dès le départ ». Par ailleurs, les adaptations elles-mêmes peuvent varier selon l’enseignant.

2. Les repères spatio-temporels

Une deuxième difficulté accompagne la scolarité au secondaire : les temps hors classe. Tandis qu’en école maternelle et primaire, les lieux sont facilement identifiés et repérables pour l’élève, les collèges et lycées ont de nombreuses salles différentes avec des numéros parfois complètement effacés, des escaliers, des couloirs, autant de choses qui peuvent être facteurs de stress et d’anxiété pour un élève autiste. Certains d’entre eux ont des difficultés à se repérer dans l’espace et le temps, ce qui demande un accompagnement permanent. « Cette année, on a un élève TSA qui est tout le temps perdu, alors on le cherche tout le temps. On finit par le retrouver et, effectivement, trois mois, quatre mois après la rentrée, il se perd encore car il y a trop de changements et que c’est mal indiqué. » Selon Florence, un plan du lycée et des codes couleurs pour indiquer les bâtiments pourraient être une aide non négligeable pour son élève. De même, elle évoque l’heure de la cantine qui peut varier d’un jour à l’autre et être une vraie difficulté dans son quotidien.

Des adaptations et aménagements pas toujours suffisants

Florence assure qu’il n’y a pas que du négatif et que le progrès est constant. D’ailleurs, pour elle, remplacer le terme « intégration » par celui « d’inclusion » est une façon d’inscrire noir sur blanc, pour tous, que la bonne manière de procéder est d’inclure en adaptant, et des choses sont mises en place pour ça. Des formations sont proposées aux enseignants volontaires, et les sites académiques mettent à disposition des ressources avec divers documents explicatifs et pédagogiques qui viennent compléter le Projet Personnalisé de Scolarisation (PSS) de l’élève pour les guider. De plus, une réunion est organisée chaque année avec les différents acteurs du bien-être et de la scolarité de l’enfant pour discuter de ses besoins et des adaptations à mettre en place. « Les parents sont une ressource indispensable. » Il existe également les dispositifs ULIS (Unité Localisée pour l’Inclusion Scolaire) qui permet la scolarisation d’un petit groupe d’élèves ayant des troubles compatibles afin de leur donner des temps de classe avec un enseignant spécialisé pour travailler selon leur PPS.

Bien sûr, cela a ses limites, l’équipe pédagogique sait qu’il y a des choses qui seraient nécessaires de faire et qu’elle ne pourra pas mettre en place. « En ce qui concerne l’application du PPS, cela va énormément dépendre de la bonne volonté et des compétences de chacun » déplore Florence. La réticence de certains enseignants freineraient la mise en place des adaptations et aides préconisées pour l’élève. D’un autre côté, l’enseignante n’a pas envie de jeter la pierre à ses collègues : « Aujourd’hui avec les exigences d’accueil et le développement des diagnostiques, on se retrouve avec des classes dont la moitié de l’effectif a, soit un PPS, soit un PAP* et en plus avec des adaptations différentes selon l’élève. Je suis convaincue du bien-fondé des adaptations, mais quand on a une classe de vingt-cinq à trente élèves, parfois plus, il y a un moment où on n’y arrive plus malheureusement. » Un autre frein dans les aménagements, c’est l’attribution des heures avec les AESH : étant à charge de plusieurs élèves, l’AESH ne peut pas accompagner l’élève sur toutes ses heures de cours et temps de scolarité. Il arrive souvent qu’il ou elle soit présent(e) sur un cours qui nécessite peu voire pas d’accompagnement. À l’inverse, il arrive que l’élève soit laissé à son sort lors d’un cours qui lui est compliqué de suivre. « Même avec la meilleure volonté du monde, il est difficile d’adapter notre cours et notre classe à l’élève comme on devrait le faire ». Pour Florence, les établissements manquent de moyen et les enseignants sont contraints de faire de plus en plus de gestion de classe au détriment de la pédagogie, ce qui ne leur permet pas de trouver l’énergie nécessaire pour s’engager. « C’est difficile, chronophage, épuisant, et on n’a pas forcément le retour ».

*PAP : Plan d’Accompagnement Personnalisé pour les élèves ayant des troubles de l’apprentissage.

Son expérience en tant que parent d’un élève TSA

En 2004, l’Académie d’Orléans-Tours scolarise pour la première fois un élève autiste en collège ordinaire. C’est le fils de Florence, qui a été accueilli par le collège Charles de Gaulle à Bû, dans l’Eure-et-Loir. « Ils nous ont proposé de se rencontrer au mois de juillet, avec toute l’équipe de la classe qui allait le prendre en charge, pour qu’on ait une discussion de manière à rassurer les professeurs. Il y en a qui avaient peur d’intégrer un autiste : ils avaient l’image d’un élève qui allait tout perturber, pousser des cris, être ingérable, et puis ça leur a permis d’avoir des pistes d’accompagnement tout simplement. » Pourtant, cela s’est très bien passé, Florence raconte qu’il y a eu un vrai échange et une écoute des deux côtés. Elle aussi a été rassurée après cette rencontre, elle se sentait capable de leur exprimer un problème s’il y en avait un. « Sa classe n’était composée que de professeurs qui ont décidé de tenter le coup, et les élèves inscrits dans la classe ont été choisis en fonction des profils qui pouvaient coller aux besoins particuliers de mon fils en termes d’ambiance de classe, d’entraide etc. ». Cela a été possible en partie parce que son fils était le seul élève autiste de l’établissement, mais cela donne un bel exemple d’inclusion en milieu scolaire.

Les solutions avancées

De nombreuses solutions sont envisageables selon les moyens de l’établissement et des enseignants :

  • Organiser une réunion avec les professeurs de la classe pour avoir un premier contact rassurant pour tout le monde ;
  • Mettre à disposition un lieu d’isolement facilement accessible en cas de surcharge sensorielle et/ou émotionnelle afin qu’il puisse reprendre ses forces ;
  • Multiplier les possibilités de comprendre les consignes ;
  • Eviter les commentaires parasites pour ne pas perdre l’élève ;
  • Être attentif au mal-être de l’élève : lui autoriser des pauses et ne pas accentuer les choses qui fâchent comme le contact visuel par exemple ;
  • Ne pas le faire sentir différent, en évitant le « surnotage » et en n’hésitant pas à reprendre avec lui les difficultés autant que les réussites ;
  • Avoir une discussion avec l’élève pour connaître ses besoins, les choses à éviter, celles qui facilitent son apprentissage et ne pas avoir peur de lui dire ce qui n’est pas possible de mettre en place.

Dans l’idéal, Florence aimerait que les AESH soient nécessairement attribués à plein temps, pour que l’élève bénéficie d’un accompagnement permanent et d’une référence pour tous ses temps scolaires. Elle souhaiterait aussi l’existence d’un ou deux établissements par secteur qui accueilleraient en priorité les élèves ayant des besoins spécifiques, à l’aide d’une équipe pédagogique formée et communicante qui puisse instaurer un rituel rassurant pour eux. Elle ne manque d’ailleurs pas de nous faire remarquer que toutes ces adaptations peuvent aussi bien être bénéfiques aux élèves neurotypiques.

La scolarité d’un élève autiste en milieu ordinaire n’est pas encore à 100% inclusive, mais les progrès sont encourageants et prouvent que c’est envisageable à travers de nombreux aménagements et solutions à mettre en place au sein de l’établissement.


Merci à Florence d’avoir accepté de nous partager son expérience en tant qu’enseignante mais aussi en tant que parent concerné.

Sources :

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